Mal de dos : comment en finir avec la douleur sans médicament ni chirurgie
Mal de dos, canal carpien, reflux, migraines, fibromyalgie… Dans son best-seller Le meilleur anti-douleur c’est votre cerveau, John Sarno explique pourquoi ces maux ont rarement une cause physique et comment y mettre fin sans traitement. Entretien avec le « meilleur médecin des Etats-Unis » selon Forbes.
Article invité de L’équipe de la Nutrition.fr – Mercredi 29 Juillet 2015
LaNutrition.fr : Pr Sarno, comment en êtes-vous venu à vous intéresser au mal de dos ?
Pr John Sarno : Lorsque j’ai pris la tête du département des consultations externes en orthopédie et rééducation du Centre médical de l’université de New York, j’ai été exposé pour la première fois de ma carrière médicale à un grand nombre de patients souffrant du dos. Pour faire court, après quelques années de diagnostics et traitements conventionnels, dont la chirurgie, je suis arrivé à la conclusion que quelque chose ne tournait pas rond puisque j’obtenais des résultats aussi mauvais que mes confrères. Je trouvais frustrant de ne pas arriver à soulager mes patients et j’ai décidé de regarder la question du diagnostic de plus près.
Selon vous, qu’est-ce qui n’allait pas avec le diagnostic de mal de dos ?
Quand j’ai commencé à m’intéresser de manière plus précise à cette question, j’ai constaté qu’un grand nombre de patients dont les douleurs étaient imputées à des anomalies structurelles souffraient en réalité d’autre chose. Il s’agissait d’une affection dans laquelle la douleur était réelle mais qui était initiée par des facteurs émotionnels. Ce qui causait la douleur chez ces personnes, ce n’était pas une hernie discale, ou une autre anomalie structurelle, mais une privation modérée d’oxygène que le cerveau provoque en modifiant simplement le flux sanguin dans une zone particulière. Prenez la sciatique par exemple. Il existe un grand nombre de nerfs rachidiens allant dans la jambe via le nerf sciatique et le cerveau peut les priver modérément d’oxygène. C’est ce qui causera la douleur dans la jambe et provoquera les sensations d’engourdissement et de picotement ressenties par les patients. Cela entraînera aussi une réelle faiblesse. Mais les médecins partent du principe que ces symptômes sont dus à des dommages au niveau des nerfs du bas du dos, à des hernies discales par exemple et autres anomalies structurelles du même genre.
Cela signifie-t-il que la privation d’oxygène est la cause sous-jacente de toutes les douleurs du dos ?
La cause sous-jacente dans ce diagnostic, oui. Si elle a lieu dans un tendon autour du genou par exemple, le patient aura un tendon douloureux à cet endroit. Invariablement une IRM sera réalisée et les médecins trouveront une petite déchirure au niveau du cartilage du ménisque et diront « c’est à cause de cela que vous souffrez ». Pour chaque zone où les personnes ressentent des douleurs, on peut trouver par imagerie des anomalies structurelles. Mais selon mon expérience, elles n’ont rien à voir avec le problème dans la majorité des cas. La preuve c’est que mes patients vont mieux, et qu’ils ne pourraient aller mieux avec mon traitement si leur problème était dû à une anomalie structurelle.
Mais s’il y a une anomalie structurelle, ne doit-on pas y prêter attention ?
Non, non, non, et non. Ce n’est pas du tout mon propos et ce n’est pas ce que je retire de mon expérience. Dans une étude publiée dans le New England Journal of Medicine, un médecin et ses collaborateurs ont fait passer des IRM à 98 personnes n’ayant jamais eu mal au dos. Ils n’ont trouvé des disques vertébraux normaux que chez 36% d’entre eux. Les disques des autres présentaient des anomalies de toutes sortes, et pourtant les personnes ne ressentaient aucune douleur.
Avez-vous un autre nom pour cette privation d’oxygène qui est à l’origine des douleurs ?
Oui, il existe un nom, un peu obsolète aujourd’hui mais que je continue à utiliser puisque j’ai commencé à le faire : le syndrome de tension musculaire (STM). Le terme syndrome est là pour signifier qu’il a différentes manières de se manifester. Depuis que j’ai baptisé ce syndrome, je me suis rendu compte que les tendons et les nerfs étaient également impliqués. Et je crois même aujourd’hui que les nerfs sont plus impliqués que les muscles dans ce syndrome.
Pourquoi le cerveau génère-t-il une douleur locale ?
Si le cerveau induit des douleurs, c’est pour protéger le patient d’un traumatisme psychologique, d’un conflit interne. Je suis arrivé à cette conclusion après bien des années de recherches et de pratique clinique. Ce qui est clair pour moi depuis le début c’est que les patients répondent à des situations stressantes de leur vie. Et, encore plus intéressant, à des pressions qu’ils se mettent tout seuls. J’en suis venu à considérer que les personnes ayant tendance à être perfectionnistes – consciencieuses, dures à la tâche, ambitieuses, etc. – présentaient des personnalités à haut risque de STM. Plus tard je me suis rendu compte qu’il existait une autre sorte de contrainte que l’on peut s’imposer tout seul : le besoin d’être quelqu’un de bien. C’est le besoin de plaire aux autres, d’être aimé, approuvé. Comme le besoin d’exceller ou d’être perfectionniste, ce besoin joue un rôle important dans l’apparition du STM.
Comment ces besoins jouent-ils un rôle dans le STM ?
Vous vous demandez peut-être ce qu’il y a de mal à vouloir être parfait ou à essayer d’être sympathique et bon ? Rien, en termes de vie consciente. Mais, il en est autrement en termes d’inconscient. Ces contraintes auto-imposées causent des difficultés à l’intérieur de nos esprits. Il y a un petit enfant en chacun de nous qui n’a pas envie d’être mis sous pression, sous peine de se mettre très, très en colère. Il semblerait donc que le premier facteur psychologique soit une grosse colère interne et inconsciente arrivée à sa température d’ébullition. Il existe d’autres sortes de pressions aussi importantes, celles que la vie nous impose : celles générées par le travail, les mariages, les enfants, etc. Il existe aussi une troisième catégorie de contrainte, très importante : les colères refoulées de notre enfance qui s’étendent sur une gamme allant de l’abus subtil à l’abus pur et simple, correspondant à des parents pas assez soutenant sur le plan émotionnel ou à des parents qui en demandaient trop à leur enfant.
Mis à part les douleurs musculaires ou articulaires, quelles autres problèmes relévent d’un STM ?
Il existe des états physiques équivalents au mal de dos, servant le même but psychologique. Je parle ici du reflux gastro-œsophagien, du syndrome du côlon irritable, des maux de têtes, des allergies (rhume des foins et asthme en particulier), des maladies de peau comme l’eczéma, des douleurs pelviennes sans cause infectieuse. Toutes ces affections servent le même but : focaliser l’attention sur le corps. Ces maladies sont tellement courantes en médecine qu’il est important de poser le bon diagnostic. Si vous attribuez la douleur à une anomalie physiologique, les patients vont continuer à présenter les mêmes symptômes. C’est pour cela que le mal de dos a pris des proportions épidémiques dans les pays occidentaux.
Quel traitement faut-il mettre en place ?
Croyez-moi ou non, mais il suffit que j’explique aux patients ce qui se passe en réalité dans leur corps pour mettre fin à la douleur. Je reçois des courriers de lecteurs témoignant qu’ils souffraient depuis des années et ont vu leurs symptômes disparaître après la lecture de mes livres. Evidemment tout le monde ne guérit pas rien qu’en lisant mes livres mais je pense que la majorité des gens peuvent dire adieu à la douleur simplement en apprenant à connaître les mécanismes sous-jacents à leurs douleurs, et à chercher les contraintes les plus importantes de leur vie comme je les y invite.